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La victime oubliée d’Oradour-sur-Glane

Auteur(s) : Alexandre Duyck

Elle s’appelait Ramona Domínguez Gil. Le 10 juin 1944, elle a péri, à 73 ans, assassinée par les nazis, dans le massacre d’oradour-sur-glane.
Comme les 642 autres hommes, femmes et enfants de ce village du limousin. Longtemps, pourtant, cette réfugiée espagnole n’a pas été comptée parmi les victimes. Effacée des mémoires et de l’histoire. Jusqu’à ce qu’un visiteur méticuleux répare cet oubli. Et lui rende sa dignité.


  • Année de parution : 2021

  • Media : Le Monde
  • Photo(s) : Famille Masachs
  • Année de parution : 2021

Extrait

D’ELLE, IL NE RESTAIT PLUS RIEN. « Disparue », comme on dit pudiquement pour dire la mort, mais, dans son cas, disparue totalement, à tout point de vue. Ni acte de décès, ni emplacement au cimetière, ni photo, ni descendant. Rien. Comme si Ramona Domínguez Gil n’avait jamais existé. Mais qui s’en souciait ? Personne pour mener l’enquête, réclamer la vérité, connaître sa destinée. Une femme, une de plus, évanouie quelque part en Europe au cœur de la seconde guerre mondiale. Jusqu’à ce qu’un visiteur plus attentif, plus sensible, plus méticuleux que les autres se rende en 2016 à Oradour-sur-Glane, lieu du plus grand massacre de civils commis en France pendant ce conflit, le 10 juin 1944.

David Ferrer Revull, 51 ans, vient de la région de Barcelone, où il enseigne l’anglais. Il parle aussi couramment le français et se rend régulièrement en vacances outre- Pyrénées. « Je connaissais Oradour de nom mais comme on connaît le Mont-Saint-Michel. C’était un lieu français célèbre, dramatique, mais sans plus de précision pour moi. » Dans le cimetière qui fait le lien entre le village martyr et le village moderne, se trouve une immense plaque de marbre sur laquelle ont été gravées les identités des 642 victimes. Après sa visite des décombres, David Ferrer Revull découvre que des Espagnols figurent parmi elles. Il prend le temps de lire leurs noms, une vingtaine qui périrent eux aussi quand la division SS Das Reich, en route pour la Normandie où le Débarquement avait débuté quatre jours plus tôt, décida de terrifier la région en anéantissant en quelques heures un village et ses habitants. Près de 300 hommes furent fusillés puis leurs corps incendiés tandis que plus de 300 femmes et enfants furent rassemblés dans l’église avant d’y mourir brûlés vifs.