Tarascon hanté par « l’usine qui pue »
Auteur(s) : Alexandre Duyck
Les effluves du papetier Fibre Excellence donnent à la cité provençale une odeur reconnaissable entre mille. Les habitants, inquiets pour leur santé, s’organisent pour obtenir un renforcement des contrôles sanitaires.
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Année de parution : 2022
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Media : Le Monde
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Photo(s) : Benjamin Tejero
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Année de parution : 2022
Extrait
Katia Bertaud, cheffe de cabinet et directrice de la communication de la mairie de Tarascon, l’assure: « Cela fait vingt cinq ans que j’habite ici. Je n’ai jamais entendu quiconque se plaindre de l’usine. » Certains de ses conci toyens diront qu’il vaut mieux entendre cela que d’être sourd ou de souffrir d’anosmie, la perte de l’odorat. Car autour de cette petite ville du nord des Bouches-du-Rhône, nul n’ignore l’odeur dégagée par la papeterie Fibre Excellence. Selon les appréciations, celleci oscille entre l’œuf pourri, le soufre, le pet, le choufleur et oblige, certains jours, à fermer les fenêtres, le temps qu’elle se dissipe. Y compris à Arles, 20 kilomètres plus au sud, quand le mistral transporte les effluves. Làbas comme ailleurs, on maudit alors ce site connu dans toute la région sous la même appellation: « l’usine qui pue ».
Même ceux qui ne l’ont jamais vue connais sent son existence, du fait de l’odeur si caractéristique. Impossible, toutefois, de ne pas l’apercevoir quand on passe dans les environs, avec sa haute cheminée rayée rouge et blanc, en surplomb de la voie de chemin de fer Avignon/Marseille. Comme le dit Lucien Limousin, le maire (divers droite) de cette ville de 16000 habitants, « elle fait partie de notre patrimoine ». L’odeur, la pollution de l’air et du Rhône, les bruits ? M. Limousin ne trouve rien à redire. L’usine n’auraitelle donc aucun défaut ?, lui demandeton après sa plaidoirie en faveur du plus gros employeur privé (250 salariés) de cette commune, où le chômage s’établit à 14,3 %, selon le recensement Insee de 2019. « Vous, les journalistes, vous n’écrivez que des articles à charge ! », répond le maire. Autrefois, quand les habitants interpel laient sa prédécesseure, Thérèse Aillaud, maire de 1983 à 2002, celleci répondait : « Mon usine ne pue pas ; elle sent l’oseille ! » Aujourd’hui, Fibre Excellence rapporte 7 millions d’euros par an à l’agglomération.