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Souvenirs de Beauduc

Auteur(s) : Alexandre Duyck

Au sud de la camargue, une poignée d’irréductibles bravent vents, marées et tracasseries administratives pour perpétuer leur mode de vie dans d’anciens cabanons de pêcheurs en marge du parc naturel. Les charmes d’une existence simple à base de grand air et de liberté, en harmonie avec les éléments. Mais la nature a fait savoir qu’elle ne respecterait plus ce statu quo idyllique : l’érosion et l’inéluctable montée des eaux finiront par submerger beauduc.


  • Année de parution : 2023

  • Media : Le Monde
  • Photo(s) : Clément Chapillon
  • Année de parution : 2023

Extrait

Le paradis se trouve au bout d’une longue piste défoncée où les nids-depoule ont des airs de trous d’obus. À gauche, une immensité blanche et brillante, qui fait penser au Grand Lac salé, dans l’Utah, aux États-Unis ; à droite, de minces étendues d’eaux roses et rouges que survolent les flamants. Au coeur de ce paysage époustouflant se trouve un lieu-dit auquel seuls les initiés ont accès, qu’aucune signalisation ne renseigne, qu’aucun car de touristes ne pourra jamais approcher. Un lieu que l’on retrouve sur les cartes de la Camargue depuis le milieu du XVIIIe siècle : Beauduc, sur le territoire d’Arles, dans les Bouches-du-Rhône. Face à la plage de sable fin campent des habitués dans leur caravane et, sous des tentes, malgré un vent à décorner les taureaux, des adeptes de kitesurf venus de toute l’Europe. Un panneau sens interdit barre le chemin d’accès au village : soixante-dix-huit cabanons, de l’abri de bric et de broc à la jolie petite maison de bois et même une villa digne d’un magazine de décoration. La plupart des habitations sont regroupées pour former un grand cercle avec, en son centre, la place centrale. Devant, la mer à perte de vue. Pas de commerce, de rue, de panneau publicitaire ou d’éclairage urbain. Ni de goudron ni d’eau courante, d’égouts ou de Wi-Fi, à peine une barre de réseau sur le téléphone portable, quand la chance s’en mêle. L’électricité provient de panneaux solaires et d’éoliennes individuelles. L’eau de pluie est collectée dans des citernes, tout comme les eaux usées, les déchets ramassés, le moindre bout de bois ou de tôle récupéré pour bricoler. Le premier magasin se trouve à quarante-cinq minutes de route. Un modèle d’écologie et de sobriété. En plaisantant, certains nomment ceux qui vivent ici des Homo sapiens beauducus. Aujourd’hui, cette espèce se sait menacée de disparition.