Jean Imbert prend son palace.

Alexandre Duyck

Sa nomination en juin à la suite d’alain ducasse aux commandes des cuisines du plaza athénée à paris a mis le monde de la gastronomie en ébullition. Comment le vainqueur de top chef en 2012 pouvait-il prétendre à un établissement aussi prestigieux sans avoir lui-même jamais conquis d’étoiles ? Connu pour ses amitiés avec les stars, de Pharell Williams à Madonna, le chef de 40 ans agace ses pairs. Lui qui ne cesse de courir pourtant après leur reconnaissance.


Magazine : Le Monde

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Photos : Alexandre Guirkinger
Parution : 2021


Extrait

Le nouveau chef du Plaza reçoit M Le magazine du Monde le 5 août dans une suite du palace. Un serveur apporte trois pâtisseries, il n’y touche pas. Pas de café non plus, il ne boit que deux thés par jour. « Je suis assez speed comme ça ! » Très aimable, voix douce, regard parfois perdu dans le vague, il porte de jolies baskets américaines – mais pas les Nike Dior Jordan à plusieurs milliers d’euros qu’il arbore parfois – et un tee-shirt à l’effigie de Tintin. Il le dira plusieurs fois : « Je suis un enfant. » Il en a le regard, le sourire, une forme de tendresse, les che- veux ébouriffés.

Il se détend et confie soudain : « Ça fait du bien de parler à quelqu’un. » Hyperactif, déjà chef cuisinier dans quatre établissements sans compter le Plaza (ToShare, à Saint-Tropez et Ibiza, Cheval Blanc sur l’île de Saint- Barthélemy, et Swan à Miami), toujours entre deux avions ou TGV, Jean Imbert, est un homme à la fois très entouré et seul. Depuis juin, son rythme s’est accé- léré. Quand il s’échappe dans sa maison sur pilotis, modèle d’architecture écologique, à Sables-d’Or-les-Pins (Côtes-d’Armor), entre Saint-Brieuc et Saint-Malo, il se contente parfois d’un aller-retour dans la journée. Le Plaza est un gros défi. Peut-être cela lui rappelle- t-il les moments de pression de son enfance. Relieur, son père, qui s’appelle Jean aussi (d’où le surnom du fils), aimait pousser l’esprit de compétition à l’extrême avec ses enfants. Chaque semaine, P’tit Jean disputait un match de tennis contre son frère Raphaël, de trois ans son cadet. Celui qui perdait était privé de repas.

L’univers de la cuisine n’est pas plus tendre. Après l’annonce de l’arrivée de Jean Imbert au Plaza, Alain Ducasse, beau joueur, a parlé du « meilleur choix possible ». En réalité, la pilule est dure à avaler. Son entourage accuse le groupe Dorchester (propriété de Hassanal Bolkiah, sultan de Brunei), qui possède le Plaza Athénée, de l’avoir piégé. « Le groupe Dorchester était d’accord pour continuer avec Alain Ducasse, jusqu’à ce qu’il lui demande de céder la propriété intellectuelle de la naturalité et de la des- seralité, chose inconcevable », assure un collaborateur de Ducasse. Soit de céder les droits des recettes de deux concepts culinaires pour le salé et le sucré, inven- tés par le chef multi-étoilé et son équipe. Une information que François Delahaye refuse de commenter