Eubée, reconstruire après le feu.

Alexandre Duyck

Ravagé par les flammes en août dernier, le nord de cette île de la mer Égée, petit paradis vert qui vivait de la résine de ses pins, de l’huile de ses oliviers et du miel de ses abeilles, n’est depuis qu’un champ d’arbres calcinés. Une désolation pour ses habitant·es, qui ont perdu maison et travail et s’attellent à lui redonner vie, en tentant également de la protéger de l’arrivée des promoteurs. Des superhéros à mains nues que nos reporters sont allés rencontrer.


Magazine : Marie-Claire

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Photos : Penelope Thomaidi
Parution : 2022


Extrait

Toutes celles et ceux qui l'ont connue avant emploient le même mot pour décrire Eubée : le paradis. Située à deux heures de route d’Athènes, étonnamment peu prisée des touristes, l’île, reliée au continent par un pont, était demeurée un sanctuaire pour la faune et la flore, loin du tourisme de masse. Mais au milieu de l’été 2021, le paradis s’est transformé en enfer. On se souvient des images diffusées dans le monde entier, ces vacancier·ères fuyant les flammes par la mer, seule issue pour ne pas périr. Ou ces habitantes se tordant de douleur devant l’ampleur de la catastrophe. Pendant neuf jours, début août, un feu gigantesque a ravagé le nord de l’île, dévorant tout ou presque sur son passage et détruisant des millions d’arbres sur une surface de cinquante mille hectares. Tracez un carré de 75 km de côté recouvert de forêts et de champs d’oliviers. Et tentez d’imaginer que dans ce carré, grand comme cinq fois Paris, presque tous les arbres ont brûlé. Le spectacle de désolation est insupportable à regarder.

Pourtant, tant bien que mal, les habitants sont restés. Et parmi eux, comme souvent après une catastrophe, des femmes se battent pour reconstruire ce qui peut l’être et faire que la vie reprenne. Chassons tout de suite une idée reçue : une forêt dévastée par les flammes ne s’en remet pas toute seule. Et encore moins les champs d’oliviers. Il faut une intervention humaine, il faut couper les arbres morts, replanter, prendre son mal en patience. Et comme le dit tristement une habitante, « admettre que le paysage que vous regardiez chaque matin depuis votre fenêtre a disparu pour toujours ». Bien sûr, les habitants souffrent, luttent avec de maigres moyens mais ils restent, et se battent. Marina Valli dirige une maison d’hôtes (1) dominant la mer. Le feu a épargné le bâtiment, qu’elle a su sauver des flammes, seule, mais il ne reste plus que huit cents de ses trois mille cinq cents oliviers. À part quelques parcelles préservées et des arbres miraculés, tout a brûlé. Peter, un client norvégien depuis des années, est venu l’aider, elle et son mari Stefanos, tous deux retraités, à arracher, nettoyer, cou- per et replanter. Au loin, le hurlement d’une tron- çonneuse... « C’est désormais le seul bruit qu’on entend et je ne le supporte plus, soupire-t-elle. Nous avions une forêt, nous l’aimions tellement. Le feu n’a pas changé seulement le paysage mais aussi nos vies. »