La difficile conquête des Napoleons.

Alexandre Duyck

Ils sont baptisés les “Napoleons”, sans accent. L’été à Arles, l’hiver à Val-d’Isère, où ils séjourneront cette année du 12 au 15 janvier, ces chefs d’entreprise, dircoms, DRH et cadres dirigeants sont invités, moyennant finances, à se réunir pour échanger et assister à des conférences données par des personnalités. Derrière ce dispositif très fermé, deux enfants de la pub à l’entregent impressionnant. Mais si Olivier Moulierac et Mondher Abdennadher ont réussi à faire venir Barack Obama à Paris, en 2017, ils ont beaucoup moins de succès auprès des habitants des deux villes qui accueillent leurs festivités.


Magazine : Le Monde

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Photos : Margaux Senlis
Parution : 2022


Extrait

D’une main rageuse, au feutre souvent, d’autres fois à l’aide de collages, de mystérieux activistes inscrivent régulièrement quatre lettres sur les murs du centre histo- rique d’Arles (Bouches-du-Rhône). Toujours les mêmes, «N», «A», «P», « O », pour former une seule et même appellation, déclinée au pluriel : Les Napo. Elle est systématiquement accompagnée de mots pas franche- ment bienveillants : « Les Napo, Arles vous déteste » ; « Les Napo, cassez-vous » ; « Napo, Mafia néoli- bérale ». Place du Forum, ce centre névralgique de la ville avec sa statue de l’écrivain Frédéric Mistral, ses bars et ses discussions enflammées, les habitués croient avoir résolu l’énigme. Les Napo seraient soit un «rassemblementdefrancs-maçons», soit une secte. En tout cas, de drôles de types. Des « fadas ».
 
« Il faut les voir débarquer du TGV, ironise une figure arlésienne. Tous avec leurs chapeaux de paille, les dames en robes de lin de marque, les hommes en chemises blanches obli- gatoires parce que, bien sûr, en Provence, comme il fait chaud, c’est bien connu, tout le monde ne s’ha- bille qu’en blanc. Oh, vous savez quoi ? On dirait Tintin au Congo ! » Chaque été, le défilé est en effet cocasse. Peu importe qu’il faille tout au plus dix minutes à pied pour rejoindre le centre-ville depuis la gare, les Napo préfèrent souvent emprunter les vélos pousse-pousse mis à leur disposition, comme ceux que l’on voit en Asie. Sans compter qu’aucun Arlésien, même par 40 °C à l’ombre, n’osera jamais porter un canotier. Plutôt crever !