Roger Smith : Le maître du temps

Alexandre Duyck

Sur l’île de Man, entre l’Irlande et l’Angleterre, se cache un orfèvre connu de rares initiés. Chaque année, Roger Smith fabrique une dizaine de montres seulement. Ce Britannique de 48 ans est un des seuls horlogers au monde capable de dessiner puis d’entièrement construire cet objet de ses mains. Des pièces uniques que ses clients attendent plus de trois ans et pour lesquelles ils déboursent entre 100 000 et 250 000 livres sterling.


Magazine : Le Monde

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Photos : Ellius Grace

Parution : 2018


 

Extrait

Il venait d’avoir 17 ans.

Suivant les injonctions de son père, qui voulait qu’il apprenne un métier manuel, Roger Smith étudiait l’horlogerie à Manchester. Quel avenir s’offrait alors à un gosse de famille modeste du nord de l’Angleterre, pas très bon en classe, et guère doué pour le football ? Réparer des montres serait un job comme un autre. Enfant déjà, il en aimait le tic-tac, le ballet des aiguilles, la présence sur le poignet, les méca- nismes mystérieux. Sa première fut une Timex, « comme tous les kids anglais de mon âge ». Son grand-père, engagé dans la Royal Navy, portait une Movado. « Il disait qu’elle était plus précise que les instruments de navigation à bord ». Et puis un dieu vivant nommé George Daniels est entré dans la salle de classe. Nous sommes en 1987 et la vie du jeune homme vient de vriller. Si Roger Smith compte aujourd’hui parmi les plus grands horlogers au monde, l’un des rares à savoir entièrement dessiner puis construire une montre de ses mains ; s’il peut vendre ses créations entre 100 000 et 250 000 livres sterling (entre 114 000 et 285 000 euros) ; s’il peut se permettre de faire languir ses clients trois ans et demi entre le passage de la commande et la livrai- son, c’est à cet instant-là qu’il le doit.