Le vrai visage de L214

Alexandre Duyck

Connue pour ses vidéos chocs dans les élevages et les abattoirs, l’association L214 ne milite pas que pour l’amélioration des conditions de vie et de mort des animaux, mais ambitionne de supprimer toute consommation de viande. Enquête sur un lobby qui ne dit pas son nom.


Magazine : Le journal du dimanche / Enquête

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Parution : 2022
Photos : Frankie & Nikki


Extrait

Depuis quelques mois, son visage souriant apparaît sur les étiquettes des barquettes de cuisses de lapin Le Gaulois, dans les rayons des supermarchés. Mais aujourd’hui, Frédéric Blot ne sourit plus. Cet éleveur est le patron d’Elvilap, qui commercialise 2,6 millions de lapins par an, 10 % de la production française. Il préside également la Fédération nationale des groupements de producteurs de lapins. Fin août ont été mises en ligne des images tournées trois mois plus tôt dans son exploitation de Domalain, en Ille-et-Vilaine. Des documents effroyables : on y voit des animaux gravement blessés aux pattes, aux oreilles, aux yeux ; des lapereaux tout juste nés, mutilés par leur mère stressée, agonisant sur le sol grillagé des cages ; d’autres qui se décomposent... Ce n’est pas la première fois que le public découvre de telles images. Dans d’autres élevages ou dans des abattoirs, les mêmes scènes insoutenables se répètent. Dans une vidéo tournée dans le Finistère, on voit des porcelets trembler au sol tandis qu’une truie gît au milieu des autres bêtes, qui commencent à la dévorer. Il est souvent impossible de regarder les vidéos jusqu’au bout...

Ce musée des horreurs des souffrances infligées aux animaux est hébergé sur le site Internet de L214, la célèbre « association de défense des animaux utilisés comme ressources alimentaires ». Ses vidéos font parfois des millions de vues sur les réseaux sociaux. Des images chocs que les grands médias s’empressent de reprendre et de diffuser. L’association a été baptisée en référence à l’article du Code rural qui, en 1976, considérait pour la première fois les animaux comme des êtres doués d’émotions : « Tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce. » Directement inspirée des associations lancées dans les pays anglo-saxons, L214 revendique son radicalisme en dénonçant publiquement les entreprises ou élevages incriminés, en divulguant des identités, des adresses, des noms... Les images sont tournées en caméra cachée par des militants qui se font embaucher dans les élevages et abattoirs, ou qui s’y introduisent de nuit.