Dans les Ardennes, du miracle au mirage

Alexandre Duyck

Avec la bénédiction de l’État, la production des légendaires cycles Mercier devait reprendre fin 2021 dans la vallée de la Meuse, qui en avait bien besoin. Mais l’été dernier, tout s’est écroulé. Plusieurs enquêtes internationales, dont nul ne s’était soucié, viseraient depuis 2016 l’homme d’affaires engagé dans le projet.


Magazine : Le journal du dimanche / Enquête

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Parution : 23 janvier 2022
Photo : NC


Extrait

Dans les années 1960 et 1970, Revin comptait plus d’emplois que d’habitants. On venait de loin pour travailler dans l’une des 27 fonderies ou chez Arthur Martin, Faure puis Electrolux, toutes installées dans cette petite ville des Ardennes située à une poignée de kilomètres de la frontière belge. C’était le temps béni où ouvrières et ouvriers pouvaient négocier leur salaire. Puis la mondialisation, ici comme ailleurs, a fait son office. Délocalisations, réductions d’emplois, licenciements, fermetures d’usines qu’aucune start-up n’est venue remplacer... Le taux de chômage a bondi (il est aujourd’hui de 27 %, contre 8 % en France et 9,5 % dans l’ensemble du département). En cinquante ans, la population de Revin est passée de 12 500 habitants à 6 000 aujourd’hui. « Plus personne ne veut venir ici, se désole Marie Gippon, chargée d’insertion. On ferme tout... » Même le Leader Price a récemment mis la clé sous la porte.

Durant l’hiver 2021, deux bonnes âmes se penchent sur le triste sort de la vallée de la Meuse. La première ? Jean-Marc Seghezzi. Un homme d’affaires français, président de la société Starship Investments (installée au Luxembourg) et propriétaire de la marque Mercier depuis 2000. Les fameux cycles de Raymond Poulidor, Antonin Magne, Louison Bobet, Cyrille Guimard, Joop Zoetemelk... Fondée à Saint-Étienne, la marque a connu son heure de gloire avant, comme Revin, de décliner. L’entreprise a finalement fermé ses portes en 1985. Le 1er février dernier, les Ardennes sont en fête : Jean-Marc Seghezzi annonce qu’il relance la marque, en France, à Revin. Les cycles, pas les tenues et équipements, toujours détenus par la famille Mercier, qui précise qu’elle n’a rien à voir avec lui. « Deux cent soixante-dix emplois en vue », titre L’Ardennais, le journal local. Le lieu d’implantation de l’usine est déjà choisi : la friche Porcher, où l’on fabriquait des baignoires, de la robinetterie et de la céramique. Plus de 60 000 mètres carrés. « Cette installation est une merveilleuse nouvelle, se réjouit Daniel Durbecq, le maire (divers droite) de la ville. Non, l’industrie n’est pas morte dans les Ardennes, et l’installation des cycles Mercier le prouve ! »